Partage de réflexions entre Patricia Acensi-Ferré et Charlotte du Payrat, expertes respectivement en résilience et en intelligence collective

La vulnérabilité au travail : point de déséquilibre ou clé de l’innovation ?

Et si regarder la fragilité de ses salariés pouvait rendre l’entreprise plus performante collectivement.. ?

        Sans acceptation de la vulnérabilité en entreprise, difficile d’imaginer favoriser sa transformation et le développement de l’intelligence collective.

Pourtant, culturellement, ceux qui constituent l’entreprise tendent à cacher leurs vulnérabilités, leurs défaillances, leurs échecs. Depuis plus de vingt ans, face à la peur du chômage et à une concurrence de plus en plus forte sur les marchés, l’individualisme favorise un esprit de compétition stérile. « Si je refuse de voir la vulnérabilité, elle n’existe pas et je suis rassuré. Je ne risque plus d’être bousculé, déstabilisé ou rejeté».

Le déni de vulnérabilité est un moyen rassurant pour répondre à un besoin d’« être fort ». Chacun finit par cacher ses éventuelles défaillances, par s’illusionner en croyant que les autres n’en ont pas et, par conséquence, par ne plus les évoquer.

        Cette peur peut expliquer que le burn-out soit tabou et la difficulté des entreprises à réintégrer les personnes qui en ont vécu un. Or, ces personnes pourraient être considérées comme porteuses de nouvelles clés de lecture. Leur expérience peut induire un changement positif et constructif à partir du moment où leur message peut être dit et écouté sans crainte.

  • Alors qu’elles ont implosé en n’écoutant pas suffisamment leurs propres limites, elles peuvent aider l’entreprise à en poser de nouvelles, plus saines et sources d’une performance durable.
  • Le burn out est un symptôme de manque d’intelligence collective. Alors que de nombreuses entreprises misent sur une course effrénée, ces personnes peuvent contribuer à renforcer les liens, l’attention des uns aux autres pour mieux prévenir le burn out.

        La vulnérabilité conduit au deuil potentiel d’une situation passée en nous confrontant à l’incertitude d’une situation future. Ce déséquilibre inquiète. Ce point de bascule est un changement déstabilisant.

Dans un monde en transformation, que nous le souhaitions ou non, nous serons de plus en plus confrontés à notre vulnérabilité. Accepter ces « points de bascule » permettra de dessiner le monde de demain et de gagner en performance. Les meilleures équipes sportives l’ont compris et l’intègrent en ce sens.

        Rappelons que 25 % des salariés sont activement désengagés au travail d’après un sondage Gallup (2017)… n’y aurait-il pas un lien ? Et si nous faisions un pas de côté pour appréhender la vulnérabilité, sans pour autant la mettre de côté ?

Cette prise de recul permet d’adopter un regard plus juste et de comprendre que la vulnérabilité ouvre la voie de l’innovation. Elle devient alors synonyme d’agilité, de responsabilité partagée. Elle est force créative en incitant à rebondir, à se donner la permission de s’interroger sur le sens du travail, de sa vie, à se réinventer globalement.

« Parce que je sais que ma vulnérabilité est prise en compte, je me sens soutenu. Je m’engage plus avec les autres, je m’investis davantage dans des limites définies par le cadre de l’entreprise. »

        Et finalement si ceux qui avaient apprivoisé leur vulnérabilité en la conjuguant en « agilité et résilience » devenaient des « passeurs » permettant d’accompagner l’entreprise dans la gestion des crises pour mieux se transformer face à un monde qui bouge ?

La résilience professionnelle, c’est accepter que la vulnérabilité puisse être aussi un facteur de transformation, voire le ciment d’une nouvelle intelligence collective de l’entreprise.


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