Charlotte du Payrat
Chronique publiée dans l’hebdomadaire du 1 er juin d’Entreprise & Carrière (n°1483)
Vous dites que c’est le moment de se transformer, pourquoi ?
La crise révèle d’un coup notre difficulté à faire face à un monde complexe et incertain. Nous étions nombreux à pressentir l’arrivée d’un tel moment, nous confrontant à un mur. Cela m’a motivé à écrire « Orchestrer l’intelligence collective » avec pour intention d’accompagner les managers dans la prise en compte d’une autre logique plus systémique, circulaire, collective.
Cette crise nous amène à prendre conscience du fait que nos manières de travailler (industrialisées, processées…) deviennent de plus en plus contre-productives. Or, nous pouvons choisir de nous appuyer sur ce constat pour trouver l’énergie de « penser et faire autrement » afin que cette crise soit une opportunité !
Pour vous, les entreprises ont-elles de la difficulté à changer ?
Tout changement, pour les hommes et les entreprises, amène souvent une grande résistance et une aversion pour le risque. Nous préférons nous ancrer dans des habitudes rassurantes, quitte à ce qu’elles nous mènent dans une impasse. Or, toute transformation nécessite d’accepter, de lâcher prise, de prendre des risques incluant une possibilité d’échec ou d’erreur.
Est-ce vraiment nécessaire de se transformer en profondeur ?
L’activisme effréné existant dans beaucoup d’entreprises nuit à une prise de recul, une réflexion. Face à la crise, un risque existe de perdre pied en mettant encore plus l’accent sur l’opérationnalité et la pression individuelle dans une recherche éperdue de performance. Les liens pourraient alors se tendre avec un climat de confiance dégradé…
Bien sûr, la gestion opérationnelle de la crise reste une nécessité. Seulement, paradoxalement, je pense que ce sont celles qui oseront faire le pari de la réflexion collective et du dialogue qui verront émerger de leur terrain des solutions nouvelles leur permettant de se réinventer. Alors qu’il est tentant d’user de la pression face à une perte de contrôle, le vrai enjeu est dans la mobilisation de la dynamique collective.
Comment une entreprise qui le souhaite peut-elle saisir l’opportunité de se transformer ?
Je crois qu’il est utile qu’elle se fasse guider par un regard externe et expert sur la transformation. Par exemple, j’ai animé un atelier à destination de managers d’un grand groupe. Il a été jugé inspirant, dynamisant. J’apporte alors une impulsion, j’aide à ouvrir d’autres manières de voir qui bousculent les habitudes ancrées, je favorise la remise en question tout en apportant une énergie constructive qui donne envie de changer… À l’issue de l’atelier, trois questions fondamentales liées à leur dynamique collective ont été mises en lumière pour leur permettre d’avancer. Bien évidemment, une transformation doit être inscrite dans le temps pour véritablement s’ancrer et éviter que les vieilles habitudes reprennent. C’est un processus long qui demande de la patience.
L’esprit d’équipe est aussi au coeur de la transformation. À l’issue d’une intervention sur quelques semaines, l’équipe avec laquelle j’avais travaillé m’a fait ce retour : « Nous avons changé de logique ! ». Et ceci était bien mon intention, l’amener à adopter un autre état d’esprit !
Finalement, qu’est-ce que cette transformation pourrait changer ?
Un changement profond de notre état d’esprit, justement, qui nous permettra de mieux appréhender la réalité dans sa complexité systémique, circulaire et collective. Dans un tel contexte, il ne s’agit plus seulement de « produire », mais d’impulser une « dynamique collective » saine !
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